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Modification du numéro d’identification à la TVA et respect des principes d’équivalence et d’effectivité

Affaires - Fiscalité des entreprises
07/03/2019
Un État membre de l'Union européenne peut-il limiter dans le temps la possibilité de rectifier des factures erronées, par exemple par la rectification du numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) initialement inscrit sur la facture, aux fins de l’exercice du droit au remboursement de la TVA ?

Le droit de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre limite dans le temps la possibilité de rectifier des factures erronées, par exemple par la rectification du numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée initialement inscrit sur la facture, aux fins de l’exercice du droit au remboursement de la TVA, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Telle est la solution retenue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 14 février 2019.

En l’espèce, une société dont le siège social et le domicile fiscal sont situés en Suisse, réalise des opérations soumises à la TVA en Espagne. En 2010, cette société demande la restitution des montants versés à l’occasion de la livraison de biens par son fournisseur au cours des deux derniers trimestres de 2009 et le remboursement de tous les autres montants de TVA acquittés relatifs aux exercices 2008 à 2010. L’administration fiscale d’Espagne lui demande de fournir les factures correctes pour les périodes concernées. La société ne répond pas à cette demande. L’administration refuse donc le remboursement des sommes visées, décision devenue définitive faute de contestation par la société. En 2011, la société demande à nouveau le remboursement des montants de TVA acquittés et fournit des factures rectificatives. L’administration fiscale a décidé, en premier lieu, d’accorder le remboursement des montants de TVA acquittés en amont au titre des exercices 2008 et 2010 ainsi qu’au titre des premier et deuxième trimestres de l’exercice 2009. En second lieu, l’AEAT (l'Agence d’État de l’administration fiscale espagnole) a décidé de refuser le remboursement des montants de TVA correspondant à deux factures émises par son fournisseur au titre des troisième et quatrième trimestres de l’exercice 2009. Ce refus était fondé sur le fait que ce dernier remboursement avait été refusé par décision du 5 avril 2011, devenue définitive le 14 mai 2011.

La société, après rejet de la réclamation administrative, forme un recours juridictionnel devant la décision de refus de l’administration fiscale. La juridiction de renvoi rappelle une jurisprudence de la Cour selon laquelle le remboursement de la TVA acquittée en amont peut être refusé si les factures rectificatives sont présentées à l’autorité fiscale après que celle-ci a rendu sa décision refusant le droit au remboursement de la TVA. Elle se demande, toutefois, si cette jurisprudence ne devrait pas rester inappliquée dans une situation telle que celle en cause au principal, qui serait caractérisée par l’absence de négligence ou de manque de collaboration avec l’administration fiscale de la part de la société et par une atteinte aux droits de la défense de cette dernière.

Pour la Cour, le principe d’équivalence n’est pas plus violé par le fait que l’administration fiscale aurait traité de manière différente, d’une part, les demandes de remboursement des montants de TVA acquittés en amont au titre des exercices 2008 et 2010 ainsi qu’au titre des premier et deuxième trimestres de l’exercice 2009 et, d’autre part, la demande de remboursement des montants de TVA au titre des troisième et quatrième trimestres de l’exercice 2009. En effet, une telle différence de traitement, même si elle était avérée, ne démontrerait aucunement une différence de traitement entre les droits conférés par l’ordre juridique de l’Union et ceux de nature purement interne. Par ailleurs, s’agissant du principe d’effectivité, il convient de constater que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il n’a pas été rendu en pratique impossible ou excessivement difficile à la société d’exercer son droit au remboursement de la TVA. Il convient de rappeler que, si l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que l’assujetti est redevable de la TVA, elle ne saurait imposer des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice du droit à la déduction de la TVA. Le même raisonnement s’impose s’agissant du droit au remboursement de la TVA. Toutefois, s’agissant de l’affaire au principal, il apparaît, ainsi que l’a fait valoir la Commission, que l’administration ne disposait pas des données nécessaires pour apprécier le droit au remboursement de la TVA en cause au principal sur la base des informations qui lui avaient été fournies par la société dans le cadre d’autres demandes de remboursement concernant le même fournisseur, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Par Marie-Claire Sgarra

Source : Actualités du droit