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Fusion simplifiée entre sociétés soeurs : mise en oeuvre de la neutralité fiscale

Affaires - Fiscalité des entreprises
10/01/2020
La loi de finances pour 2020 tire les conséquences, du point de vue fiscal, de l’extension du régime simplifié de fusion ou scission sans échange de titres aux opérations entre sociétés soeurs intégralement détenues par une autre société par la loi de simplification, de clarification et l’actualisation du droit des sociétés du 19 juillet 2019.
La fusion et la scission sont des opérations de restructuration entraînant la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. Elles entraînent simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission (C. com., art. L. 236-3).

Toutefois, il n’est pas procédé à l’échange de parts ou d’actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent, lorsque ces parts ou actions sont détenues :
– soit par la société bénéficiaire ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société;
– soit, depuis le 21 juillet 2019, par la société qui disparaît ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société (L. n° 2019-744, 19 juill. 2019, JO 20 juill., art. 32).

Autrement dit, par cette dernière disposition, la fusion ou la scission de sociétés soeurs détenues à 100 % par une même société mère s’effectue sans échange de titres. Les articles 43 et 44 de la loi de finances pour 2020 procèdent aux coordinations nécessaires afin que le régime fiscal de ces opérations reste comparable à celui des opérations de fusion ou de scission entre sociétés soeurs donnant lieu à échanges de titres.

Extension du régime spécial des fusions
Dans le cadre du régime spécial, une fusion ou une scission est considérée comme une opération intercalaire fiscalement neutre, conduisant à une exonération de la plus-value dégagée par la société absorbée ou scindée et au sursis de l’imposition de cette plus-value au profit de la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport (CGI, art. 210 A à 210 C).

Sont notamment concernées par ce régime les opérations de fusion et de scission pour lesquelles il n’est pas procédé à l’échange de titres de la société absorbante contre les titres de la société absorbée, lorsque ces titres sont détenus soit par la société absorbante soit par la société absorbée. En effet, au plan juridique, dans ces situations, la société absorbante n’est pas tenue de remettre des titres en contrepartie de l’apport.

Il en est désormais de même des opérations pour lesquelles il n’est pas procédé à l’échange des titres, lorsque ces titres sont détenus par une société qui détient la totalité des titres de la société absorbante ou bénéficiaire des apports et de la société absorbée ou scindée (CGI, art. 210-0 A, I-3° complété).

Le régime spécial des fusions est ainsi étendu aux fusions et scissions entre sociétés soeurs sans échange de titres.

Détermination du bénéfice net
Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des 
prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (CGI, art. 38, 2).

Viennent désormais également en diminution de cette différence, et donc du bénéfice net, les sommes qui ont été incorporées aux capitaux propres à l’occasion d’une restructuration sans échange de titres (CGI, art. 38, complété).

Conditions d’application du régime des plus-values à long terme
Le régime d’imposition des plus et moins-values à long terme de cession de titres s’applique aux cessions de titres d’une société résultant d’une restructuration – fusion ou scission – sans échange de titres concernant des sociétés soeurs (CGI, art. 39 duodecies, 12 nouveau).

Si la plus ou moins-value de cession relève du régime des plus ou moins-values à long terme, mais que les titres de la société absorbée ou scindée ont été acquis depuis moins de 2 ans à la date de la cession, alors la plus ou moins-value correspondant à la quote-part de valeur de ces titres ajoutée à celle des titres de la société bénéficiaire des apports réalisés lors de l’opération de fusion ou de scission, est calculée distinctement. La plus ou moins-value ainsi calculée est considérée comme une plus ou moins-value à court terme.

À l’inverse, si la plus-value ou moins-value de cession relève du régime des plus ou moins-values à court terme mais que les titres de la société absorbée ou scindée ont été acquis depuis plus de 2 ans à la date de cette cession, la plus ou moins-value correspondant à la quote-part de valeur de ces titres ajoutée à celle des titres de la société bénéficiaire des apports réalisés lors de l’opération de fusion ou de scission est calculée distinctement. La plus ou moins-value ainsi calculée est considérée comme une plus ou moins-value à long terme.

La plus ou moins-value correspondant à la quote-part de la valeur des titres de la société absorbée ou scindée mentionnée ci-dessus est égale à la différence entre, d’une part, la fraction du prix de cession des titres obtenue après application du rapport entre la valeur vénale des titres de la société absorbée ou scindée et la somme de cette même valeur et de la valeur vénale des titres de la société absorbante ou bénéficiaire au jour de la fusion ou de la scission et, d’autre part, le prix de revient des titres de la société absorbée ou scindée.

Modalités d’application du régime mère-fille
Le régime mère-fille prévoit une quasi-exonération de 95 % des produits de participation perçus par une société mère de ses filiales, sous réserve que les titres ouvrant droit à la distribution soient détenus depuis au moins 2 ans et représentent au moins 5 % du capital de la société, ou depuis au moins 5 ans s’ils représentent au moins 2,5 % du capital et 5 % des droits de vote si la filiale est contrôlée par des organismes sans but lucratif (CGI, art. 145).

Si les titres sont apportés dans le cadre d’une fusion ou scission sans échange de titres placée sous le régime spécial des fusions, le point de départ du délai de conservation est la date de souscription ou d’acquisition par la société apporteuse et son terme est la date de cession des titres par la société ayant bénéficié de l’apport (CGI, art. 145, 1-c).  

En cas de fusion ou de scission sans échange de titres placée sous le régime de faveur, les titres de la société absorbée ou scindée sont réputés détenus par la société participante depuis la date de leur souscription ou acquisition jusqu’à la date de la cession des titres de la société absorbante ou bénéficiaire. Il n’y a donc pas de rupture du délai de conservation de 2 ans concernant les titres de la sociétés absorbée ou scindée dont les dividendes ont ouvert droit au régime des sociétés mères.

Toutefois, lorsque la cession de titres de la société absorbante ou bénéficiaire intervient moins de 2 ans après l’opération de fusion ou de scission, elle est réputée porter sur les titres de la société absorbée ou scindée à concurrence du nombre de titres cédés auquel est appliqué le rapport entre la valeur vénale de ces titres et la somme de cette même valeur et de la valeur vénale des titres de la société absorbante ou bénéficiaire au jour de la fusion ou de la scission, dans la limite du nombre de titres détenus à cette date, et elle est réputée porter sur les titres de la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport à hauteur du reliquat des titres cédés.

Lorsque les conditions de durée et de seuil de détention ne sont pas remplies, à la date de la cession, pour les titres de la société absorbée ou scindée ou ceux de la société absorbante ou bénéficiaire, le régime fiscal des sociétés mères n’est pas applicable aux titres ne respectant pas ces conditions.

Ces dispositions s’appliquent également en cas de cession dans les 5 ans de la fusion ou de la scission par la société mère de titres de la société absorbante ou bénéficiaire lorsque l’application du régime fiscal des sociétés mères est subordonnée au respect d’un seuil minimal de participation de 2,5 % du capital et de 5 % des droits de vote.

Remboursement des apports reçus par la société absorbée ou scindée
Des précisions sont apportées sur le régime fiscal applicable en cas de distribution aux associés des sommes placées en report à nouveau correspondant à la contrepartie des apports reçus à l’occasion d’une fusion ou scission sans émission de titres. 

Le régime de la distribution de ces sommes, qui s’apparente, en pratique, à une prime de fusion, est aligné sur celui des primes de fusion, maintenant ainsi inchangé le régime fiscal de ces opérations (CGI, art. 112 modifiéé).

Il conviendra donc, comme pour les restructurations avec émissions de titres, de distinguer la partie de ces distributions qui correspond à des remboursements d’apports non imposables de celle qui correspond à une prime de fusion imposable.

Ainsi, le remboursement des sommes inscrites en capitaux propres par la société absorbante sera considéré comme un remboursement d’apports dans la mesure où les biens apportés étaient eux-mêmes considérés comme des apports dans la société absorbée en application du 1° de l’article 112 du CGI.

La distribution de la contrepartie de l’actif net reçu par la société absorbante ou bénéficiaire des apports inscrite en capitaux propres, mais qui n’a pas la nature d’un remboursement d’apports sera imposable lors de sa distribution aux associés.

Entrée en vigueur
Ces dispositions s’appliquent aux opérations réalisées à compter du 21 juillet 2019, date d’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2019. 
 
COMMENTAIRE
Le régime de fusion simplifiée entre sociétés soeurs, caractérisé par l’absence d’augmentation de capital et d’échange de titres de l’absorbante contre des titres de l’absorbée est désormais clarifié du point de vue fiscal.
Quant au traitement comptable, celui-ci a été précisé par le règlement ANC 2019-08 du 8 novembre 2019. Ce dernier prévoit que la filiale absorbante inscrit la contrepartie des apports en report à nouveau et qu’au niveau de la société mère actionnaire, la valeur brute et les éventuelles dépréciations des titres de la filiale absorbée sont ajoutées à la valeur brute et aux éventuelles dépréciations des titres de la filiale absorbante.
Source : Actualités du droit