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E-commerce : aménagement du régime des ventes à distance de biens

Affaires - Fiscalité des entreprises
10/01/2020
Les dispositions de l'article 2 de la directive (UE) n° 2017/2455 du 5 décembre 2017 relative au commerce électronique sont transposées en droit interne modifiant ainsi, à compter du 1er janvier 2021, le régime de TVA applicable aux ventes à distance de biens à des particuliers. 
L’article 147 de la loi de finances pour 2020 poursuit la transposition en droit interne des dispositions de la directive (UE) n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 (directive dite « e-commerce »), initiée par la loi de finances pour 2019 (L. fin. 2019, n° 2018-1317, 28 déc. 2018, JO 30 déc., art. 72 ; voir Les Nouvelles fiscales n° 1236, p. 46).

Au sommaire notamment : de nouvelles règles pour les ventes à distance de biens qu'elles soient entre États membres de l'UE ou avec des pays tiers, assujettissement à la TVA des interfaces numériques qui facilitent la livraison de tels biens et généralisation de l'utilisation des guichets uniques. 
 

Réforme du régime de la vente à distance intracommunautaire


Les entreprises assujetties qui vendent et expédient des biens à destination de particuliers (personnes non assujetties ou bénéficiant d’un régime dérogatoire [PBRD]) établis dans d’autres États membres doivent payer la TVA dans l’État membre de départ du transport des biens tant que le chiffre d’affaires afférent aux ventes à distance à destination du pays considéré n’a pas atteint un seuil annuel fixé à 100 000 € HT, qui peut être ramené à 35 000 € HT par l’État membre concerné (cas de la France depuis le 1er janvier 2017 ; CGI, art. 258 B). Si ce seuil est dépassé ou si l’assujetti opte en ce sens, la TVA est due dans les États membres d’arrivée des biens.
 

Transposition de la définition de la vente à distance intracommunautaire de biens


Une vente à distance intracommunautaire de biens s’entend désormais d’une livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens, à partir d’un État membre vers un autre État à destination de l’acquéreur, personne non assujettie ou PBRD (CGI, art. 256, II bis nouveau).

Précision : les biens sont considérés comme expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans l’expédition ou le transport des biens, en particulier dans les cas suivants :
 – lorsque l’expédition ou le transport des biens est sous-traité par le fournisseur à un tiers qui livre les biens à l’acquéreur ;
– lorsque l’expédition ou le transport des biens est effectué par un tiers mais que le fournisseur assume en tout ou en partie la responsabilité de la livraison des biens à l’acquéreur;
 – lorsque le fournisseur facture les frais de transport à l’acquéreur et les perçoit auprès de celui-ci pour ensuite les reverser à un tiers qui assurera l’expédition ou le transport des biens ;
– lorsque le fournisseur promeut par tout moyen les services de livraison d’un tiers auprès de l’acquéreur, met en relation l’acquéreur et un tiers ou communique à un tiers les informations nécessaires à la livraison des biens à l’acquéreur. Les biens ne sont toutefois pas considérés comme expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte lorsque l’acquéreur transporte les biens lui-même ou lorsque l’acquéreur organise la livraison des biens avec un tiers et que le fournisseur n’intervient ni directement ni indirectement pour assurer ou aider à organiser l’expédition ou le transport des biens en question (Règl. UE n° 282/2011, 21 nov. 2019, art. 5 bis).
 
Comme auparavant, les biens livrés ne sont ni des moyens de transport neufs, ni des biens livrés après montage ou installation, avec ou sans essai de mise en service, par le fournisseur ou pour son compte.
 

Institution d’un seuil de 10 000 €


Il est fixé un seuil de chiffre d’affaires unique de 10 000 € apprécié dans toute l’Union européenne (et non plus par rapport aux seules ventes effectuées dans l’État considéré), seuil à partir duquel la taxation de la vente à distance a lieu dans le pays du consommateur final.

Il est à noter que ce seuil de 10 000 € est déjà applicable aux prestations de services intracommunautaires de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision depuis le 1er janvier 2019 (CGI, art. 259 D du CGI ; L. fin. 2019, n° 2018-1317, 28 déc. 2018, JO 30 déc., art. 72 ; voir Les Nouvelles fiscales n° 1236, p. 46).

Ainsi, à compter du 1er janvier 2021 (CGI, art. 258 A modifié) :
– le lieu d’une vente à distance intracommunautaire de biens expédiés ou transportés à partir de la France à destination d’un autre État membre est réputé ne pas se situer en France, mais dans l’État membre de destination des biens, lorsque :
la valeur totale des prestations de services de télécommunication et assimilés et des ventes à distance intracommunautaires de biens effectuées par l’assujetti dépasse pendant l’année civile en cours ou l’a été pendant l’année civile précédente le seuil de 10 000 €,
ou bien l’assujetti a opté pour que le lieu des prestations susmentionnées se situe dans l’État membre où ces personnes sont établies et que le lieu des ventes à distance intracommunautaires de biens se situe dans l’État membre de destination des biens ;
– le lieu de livraison de biens expédiés ou transportés à partir d’un autre État membre à destination de la France dans le cadre de ventes à distance intracommunautaires est réputé se situer en France lorsque :
la valeur totale des prestations de services de télécommunication et assimilés et des ventes à distance intracommunautaires de biens effectuées par l’assujetti dépasse pendant l’année civile en cours ou l’a été pendant l’année civile précédente le seuil de 10 000 €,
ou bien l’assujetti a opté pour que le lieu des prestations susmentionnées se situe dans l’État membre où ces personnes sont établies et que le lieu des ventes à distance intracommunautaires de biens se situe dans l’État membre de destination des biens.

Le dispositif antérieur, qui disposait qu’au-delà de 35 000 € de chiffre d’affaires pour les ventes réalisées à destination de la France, les livraisons étaient réputées y être localisées, est abrogé (CGI, art. 258 B abrogé). 
 

Création du régime des ventes à distance de biens importés


Constitue une vente à distance de biens importés la livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur – ou pour son compte – y compris lorsque le fournisseur intervient directement dans le transport ou l’expédition des biens, à partir d’un territoire tiers à l’Union européenne, à destination d’un État membre de cette même Union, lorsque la livraison de biens est effectuée au profit d’une personne non assujettie ou d’une PBRD.

Également, les biens livrés ne sont ni des moyens de transport neufs ni des biens livrés après montage ou installation, avec ou sans essai de mise en service, par le fournisseur ou pour son compte.

Le lieu de livraison des biens importés en provenance de territoires ou de pays tiers dans le cadre de ventes à distance est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France (CGI, art. 258, IV nouveau) :
– au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport des biens à destination de l’acquéreur si le bien a été importé dans un autre État membre ;
– au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport des biens à destination de l’acquéreur si le bien a été importé en France lorsque la TVA est déclarée dans le cadre du régime particulier de déclaration et de paiement de la TVA applicable aux ventes à distance de biens importés (CGI, art. 298 sexdecies H nouveau ; voir ci-après). Cette hypothèse ne vise que les envois dont la valeur ne dépasse pas 150 €. Attention, l’utilisation du guichet unique permet d’être exonéré de TVA ;
– au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport de biens à destination de l’acquéreur, lorsque le bien a été importé en France par une plateforme ou un portail électronique (CGI, art. 256, V-2°-a nouveau). Cette hypothèse ne concerne également que les envois dont la valeur ne dépasse pas 150 €.

Ce nouveau régime permet ainsi de collecter la TVA auprès du vendeur au moment de la réalisation de la vente.
 

Les sites en ligne : nouveaux redevables de la TVA


Sont considérées comme ayant acquis et livré les biens et, en conséquence, redevables de la TVA les interfaces électroniques (place de marché, plateforme, portail ou dispositif similaire) qui facilitent (CGI, art. 256, V-2° nouveau) :
– des ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € ;
– la livraison d’un bien dans l’Union européenne par un assujetti non établi sur le territoire de l’Union européenne à une personne non assujettie. Il peut s’agir d’une livraison domestique ou d’une vente à distance intracommunautaire. Dans cette hypothèse, la livraison du bien à destination de la plateforme est exonérée, quand bien même celle-ci est redevable de la taxe (CGI, art. 262 ter, III nouveau).

À noter toutefois que le destinataire réel des biens reste solidairement tenu au paiement de la taxe.

Cette disposition s’applique quelle que soit la valeur de la vente à distance, c’est-à-dire y compris même lorsque la valeur du bien importé excède 150 € (sauf s’il s’agit d’une vente à distance de bien importé dont le lieu d’imposition est situé dans un autre État membre de l’Union européenne).

Pour les livraisons de biens réalisées par ces plateformes, ainsi que pour celles à destination de ces plateformes, le fait générateur et l’exigibilité de la TVA interviennent au moment de l’acceptation du paiement.

En outre, à des fins de contrôle, les plateformes qui facilitent la livraison de biens ou la prestation de services à une personne non assujettie sont astreintes à la tenue d’un registre suffisamment détaillé pour permettre de vérifier que la TVA a été correctement appliquée. Ce registre doit être conservé 10 ans à compter du 31 décembre de l’année au cours de laquelle l’opération a été effectuée. Il est mis à la disposition de l’administration, à sa demande, par voie électronique (CGI, art. 286 quinquies nouveau).
 

Instauration d’un guichet unique pour toutes les ventes à distance


Depuis le 1er janvier 2015, il existe pour les prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision, ainsi que pour des services fournis par voie électronique, un régime particulier de déclaration et de paiement : le « mini-guichet unique » (mini-one stop shop – MOSS).

Ce mini-guichet, facultatif, permet aux prestataires de s’enregistrer et de déposer une déclaration unique dans l’État membre de leur choix, et de s’acquitter de la TVA exigible dans l’ensemble des États membres où ils fournissent des services, une fois par trimestre et de manière électronique.

L’administration du pays choisi par le prestataire se charge ensuite de calculer et de reverser aux autres États membres les montants qu’elle aura perçus, sur la base de la déclaration détaillée fournie par l’opérateur et en application des règles de TVA propres à chaque État membre. Le mini-guichet est prévu en France par :
– l’article 298 sexdecies F du CGI pour les assujettis établis dans un pays tiers ;
– par l’article 298 sexdecies G du CGI pour les assujettis établis en France. 
 

Guichet unique pour les ventes à distance intracommunautaires de biens


La loi de finances pour 2020 étend la possibilité d’opter pour le système du mini-guichet unique – MOSS – à l’ensemble des prestataires fournissant des services à des personnes non assujetties, mais également aux opérateurs réalisant des ventes à distance intracommunautaires de biens, ainsi qu'aux plateformes pour certaines livraisons.

Ce nouveau guichet « unique » (« OSS ») permet aux entreprises de déclarer et payer dans un seul État membre la TVA due sur ces opérations dans l’ensemble des autres États membres de l’Union européenne. Peuvent ainsi se prévaloir de ce régime particulier de déclaration et de paiement (CGI, art. 298 sexdecies G modifié) :
– les prestataires de services établis en France qui fournissent des prestations de services à des personnes non assujetties dont le lieu d’imposition est situé dans un autre État membre que la France et dans lequel il n’est pas établi ;
– les assujettis qui effectuent des ventes à distance intracommunautaires de biens ;
– les plateformes qui facilitent des livraisons de biens lorsque le lieu de départ et le lieu d’arrivée du transport des biens livrés se situent dans le même État membre.

Le fonctionnement de ce guichet unique repose sur l’identification des assujettis en France – lorsque la France est « État membre d’identification » – ce qui leur permet de déclarer à ce guichet l’ensemble des opérations de ventes à distance et de prestations de service intracommunautaires.

Les assujettis doivent souscrire une déclaration trimestrielle comportant le numéro d’identification et indiquant, pour chaque État membre de destination, la valeur totale hors TVA des livraisons de biens et des prestations de services couvertes ainsi que le montant total de la taxe correspondante ventilé par taux d’imposition. Cette déclaration doit être souscrite avant la fin du mois qui suit le trimestre considéré, et la TVA acquittée en même temps.

Les entreprises qui se prévalent du régime particulier de déclaration et de paiement de la TVA sur les ventes à distance intracommunautaires de biens sont dispensées de l’obligation d’émettre une facture pour ce type d’opération.
La taxe supportée par l’assujetti au titre des opérations couvertes par ce régime spécifique ne peut ouvrir droit à déduction : seule la procédure de remboursement leur est ouverte.

À noter : ce régime est applicable à tous les biens et services, indifféremment du chiffre d’affaire intracommunautaire. Ainsi, si celui-ci est inférieur au seuil de 10 000 €, les entreprises peuvent malgré cela opter pour ce régime de déclaration.
 

Extension du guichet unique à tous les services pour le régime hors UE


Le champ du régime de guichet unique, prévu à l’article 298 sexdecies F du CGI pour les assujettis établis hors de l’UE réalisant des prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision ou des services fournis par voie électronique à destination des personnes non assujetties, est étendu, au 1er janvier 2021, à tous les services fournis par les assujettis non établis au sein de l’Union européenne à des non-assujettis établis dans l’Union.
 

Création d’un guichet unique pour les ventes à distance de biens importés


Il est mis en place un guichet unique (« Import One Stop Shop » ou « IOSS ») pour déclarer l’ensemble des ventes à distance de biens importés réalisé auprès de consommateurs établis dans l’UE (CGI, art. 298 sexdecies H nouveau).

Ce nouveau régime couvre les biens importés en provenance de pays ou de territoires tiers, faisant l’objet d’une vente à distance, lorsque la valeur de l’envoi n’excède pas 150 €.

Pour de tels envois, l’importation est exonérée de TVA si l’assujetti a présenté son numéro individuel d’identification à la TVA attribué aux fins de l’application de ce régime au plus tard au moment du dépôt en douane de la déclaration d’importation (CGI, art. 291, II-11° nouveau).

Peuvent se prévaloir d’un tel régime :
– les assujettis établis sur le territoire de l’UE qui réalisent des ventes à distance de biens importés de pays tiers ;
– les assujettis non établis dans l’Union européenne qui effectuent des ventes à distance de biens importés, à condition d’être représentés par un intermédiaire établi sur le territoire de l’Union ;
– les assujettis établis sur le territoire d’un pays tiers avec lequel l’Union européenne a conclu un accord d’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts et droits.

En cas d’option pour ce régime, l’assujetti doit l’appliquer à l’ensemble de ses ventes à distance de biens importés de territoires ou pays tiers.

L’assujetti qui se prévaut de ce régime particulier doit souscrire une déclaration mensuelle et tenir un registre reprenant ses opérations taxables. Ce registre doit être conservé pendant 10 ans à compter du 31 décembre de l’année de l’opération.
Comme pour les autres régimes particuliers de guichet unique, la TVA supportée par l’assujetti dans le cadre de son activité ne pourra pas faire l’objet d’une déduction, mais d’un remboursement.
 

Institution d’un guichet à l’importation


Lorsque, pour l’importation de biens faisant l’objet d’une vente à distance de biens importés et contenus dans des envois dont la valeur ne dépasse pas 150 €, le régime IOSS n’est pas utilisé par l’assujetti, le redevable de la TVA demeure le destinataire final.

Toutefois, dans un souci de simplification, la personne qui présente les marchandises en douane (p. ex., entreprises de transport express) pour le compte de la personne destinataire des biens est autorisée à déclarer et acquitter la TVA à l’importation pesant sur les biens expédiés à destination de la France, au nom et pour le compte du destinataire final (CGI, art. 298 sexdecies I nouveau).

Attention, c’est à cette personne – qui présente les biens en douane – qu’il appartient de prendre les mesures appropriées pour percevoir la TVA auprès du destinataire des biens, préalablement à son acquittement auprès du service des douanes.


Entrée en vigueur

Ces dispositions s’appliquent aux opérations pour lesquelles le fait générateur de la TVA intervient à compter du 1er janvier 2021.

Source : Actualités du droit