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Inconstitutionnalité de l'absence de nullité d'une audition réalisée sous serment lors d'une garde-à-vue dans le cadre d'une commission rogatoire

Pénal - Procédure pénale
04/11/2016
La prévision selon laquelle l'absence de nullité de l'audition réalisée sous serment lors d'une garde-à-vue (C. pr. pén., art. 153) est contraire du droit à un procès équitable.
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 4 août 2016, par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit de l'article 153 du Code de procédure pénale (renvoi par Cass. crim., 27 juill. 2016, n° 16-90.013).

La requérante soutenait que l'obligation de prêter serment au cours d'une enquête pénale, lorsqu'elle est imposée à une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, méconnaît le droit de se taire et celui de ne pas participer à sa propre incrimination. Elle contestait ainsi la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 153 du Code de procédure pénale, qui prévoit que le fait qu'une personne gardée à vue dans le cadre d'une commission rogatoire ait été entendue après avoir prêté le serment prévu pour les témoins ne constitue pas une cause de nullité de procédure.

Le Conseil constitutionnel rappelle d'abord que le droit de se taire est un droit constitutionnellement protégé, qui découle du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, lequel résulte de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Il  relève ensuite que seule peut être placée en garde-à-vue une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction et, d'autre part, qu'il ressort de la combinaison des articles 103 et 153 du Code de procédure pénale que toute personne entendue comme témoin au cours de l'exécution d'une commission rogatoire est tenue de prêter serment de « dire toute la vérité, rien que la vérité ».

Le Conseil constitutionnel considère que faire prêter un tel serment peut être de nature à laisser croire à la personne qu'elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l'information qu'elle a reçue concernant ce droit. Il en a déduit qu'en faisant obstacle, en toute circonstance, à la nullité d'une audition réalisée sous serment lors d'une garde-à-vue dans le cadre d'une commission rogatoire, les dispositions contestées portent atteinte au droit de se taire de la personne soupçonnée.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraire à la Constitution la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 153 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (L. n° 2004-204, 9 mars 2004, JO 10 mars).

Aucun motif ne justifiant le report des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, celle-ci intervient à compter de la date de publication de la présente décision.
Source : Actualités du droit