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Renvoi d'une QPC relative au délit de consultation de sites incitant ou faisant l'apologie du terrorisme

Pénal - Droit pénal spécial
07/12/2016
L'article 421-2-5-2 du Code pénal, créé par la loi du 3 juin 2016 (L. n° 2016-731, 3 juin 2016, JO 4 juin) incrimine et sanctionne de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende, "le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie".

Plusieurs exonérations sont envisagées par l'alinéa 2 du texte, lorsque la consultation :
  • est effectuée de bonne foi ;
  • résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ;
  • intervient dans le cadre de recherches scientifiques ;
  • est réalisée afin de servir de preuve en justice.

Cette incrimination complète celle prévue à l’article 421-2-6 du Code pénal, qui permet de sanctionner la consultation habituelle de ces sites lorsqu'elle est réalisée intentionnellement, dans le cadre de la préparation des actes de terrorisme.
Il n’est désormais plus indispensable de prouver cette intention pour exposer l'auteur présumé des faits à la sanction pénale, selon une logique comparable à celle de la répression du délit de consultation habituelle de sites présentant des contenus pédopornographiques (C. pén., art. 227-23).

Les arguments invoqués au soutien de la QPC portaient sur :
  • l'imprécision de la loi : le texte ne définit pas "les critères permettant de qualifier une consultation d’habituelle, prévoit une exception de bonne foi sans en définir les contours et n’apporte aucune définition de la notion de terrorisme prévoit une exception de bonne foi sans en définir les contours et n’apporte aucune définition de la notion de terrorisme" ;
  • l'atteinte à la liberté de communication et d’opinion : "en punissant d’une peine privative de liberté la seule consultation de messages incitant au terrorisme, alors même que la personne concernée n’aurait commis ou tenté de commettre aucun acte pouvant laisser présumer qu’elle aurait cédé à cette incitation ou serait susceptible d’y céder" ;
  • la  rupture d’égalité "entre les personnes ayant accès à des tels messages, images ou représentations par un service de communication en ligne et celles y ayant accès par d’autres moyens et supports qu’un service de communication en ligne" ;
  • la rupture d’égalité "entre les citoyens souhaitant bénéficier d’un accès à de tels services et ceux dits "de bonne foi" ou autorisés expressément par la loi" ;
  • le caractère disproportionné de la sanction de ce délit, "en ce qu’il punit de deux années d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende la seule consultation, même habituelle, d’un service de communication en ligne" ;
  • l'instauration d'une "présomption de mauvaise foi déduite de la seule consultation de ces services de communication en ligne".

La Chambre criminelle de la Cour de cassation estime que la question posée présente un caractère sérieux :
  • il apparaît utile que le Conseil constitutionnel se prononce sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte, résultant de cette incrimination, au principe de la liberté de communication ;
  • si trois des exemptions prévues par le texte (la consultation est faite dans le cadre de l’exercice d’une profession ayant pour objet d’informer le public, celle interenant dans le cadre de recherches scientifiques et celle réalisée afin de servir de preuve en justice), sont précisément définies, il pourrait n’en être pas de même de la première exemption prévue, relative à la consultation habituelle de bonne foi.
Source : Actualités du droit