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Obligation scolaire au sein des établissements privés d’enseignement hors contrat

Pénal - Droit pénal spécial
Public - Droit public général
05/06/2018
L’incrimination du fait, par un directeur d’établissement privé accueillant des classes hors contrat, de n’avoir pas pris les dispositions nécessaires pour que l’enseignement dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire et de ne pas avoir procédé à la fermeture des classes, est conforme à la Constitution.
Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 227-17-1 du Code pénal prévoyant cette incrimination sont donc validées par le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 1er juin 2018.

Le Conseil avait été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) le 19 mars 2018, par un arrêt la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 14 mars 2018, n° 17-90.029, F-D). Les requérants soutenaient, en premier lieu, une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines en raison de l’imprécision de l’incrimination. Ils reprochaient également aux dispositions de ne pas indiquer si la peine d’interdiction « de diriger ou d’enseigner » encourue par le directeur présentait un caractère alternatif ou cumulatif. Ils estimaient, en deuxième lieu, que le législateur n’avait pas limité la durée de cette interdiction ni la durée de la fermeture de l’établissement. Enfin, ils soutenaient que la peine de fermeture d’établissement contreviendrait au principe de personnalité des peines en ce qu’elle serait susceptible d’affecter les droits des tiers exploitant l’établissement.

Légalité du délit

Le Conseil estime que, d’une part, l'incrimination contestée réprime non le fait de ne pas s'être conformé à l'objet de l'instruction obligatoire, mais le fait de ne pas avoir respecté les obligations imposées par la mise en demeure ni, à défaut, procédé à la fermeture des classes. D'autre part, pour que les dispositions contestées satisfassent au principe de légalité des délits et des peines, la mise en demeure adressée au directeur de l'établissement doit exposer de manière précise et circonstanciée les mesures nécessaires pour que l'enseignement dispensé soit mis en conformité avec l'objet de l'instruction obligatoire. Enfin, en exigeant la fermeture « de ces classes » plutôt que celle de l'établissement dans son ensemble, le législateur a entendu seulement viser les classes hors contrat, dans la mesure où les établissements privés d'enseignement peuvent également accueillir des classes sous contrat avec l'État. 

Légalité des peines complémentaires d’interdiction de diriger ou d’enseigner

Sur ce point, le Conseil a considéré qu’en prévoyant que le tribunal peut ordonner « l'interdiction de diriger ou d'enseigner », le législateur a permis au juge de prononcer l'une ou l'autre de ces peines, d'en ordonner le cumul ou de n'en prononcer aucune. Ces dispositions ne sont ainsi pas équivoques.

Les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines

Pour le Conseil, d'une part, la peine complémentaire d'interdiction de diriger ou d'enseigner prévue par les dispositions contestées peut être prononcée soit pour une durée temporaire ne pouvant excéder cinq ans, soit à titre définitif. D'autre part, la peine de fermeture de l'établissement prévue par les dispositions contestées peut être prononcée par le juge de manière temporaire ou définitive. Ensuite, lorsqu'il décide de prononcer une ou plusieurs de ces peines complémentaires, le juge en fixe la durée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. 

Principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait

Lorsque la personne exploitant l'établissement d'enseignement n'est pas celle poursuivie sur le fondement des dispositions contestées, la mesure de fermeture de l'établissement ne saurait, sans méconnaître le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait, être prononcée sans que le ministère public ait cité cette personne devant le tribunal correctionnel en indiquant la nature des poursuites exercées et la possibilité pour ce tribunal de prononcer cette mesure.

Par June Perot
Source : Actualités du droit