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Exonérations de la TVA à l’importation suivie d’un transfert intracommunautaire

Affaires - Fiscalité des entreprises
05/03/2019
Le 14 février 2019, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a apporté des précisions relatives à l'exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation suivie d’un transfert intracommunautaire frauduleux.

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que le bénéfice de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation, visée à ces dispositions, ne doit pas être refusé à l’importateur désigné ou reconnu comme étant redevable de cette taxe, dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle, d’une part, le destinataire du transfert intracommunautaire consécutif à cette importation commet une fraude sur une opération postérieure à ce transfert et qui n’est pas liée audit transfert et, d’autre part, aucun élément ne permet de considérer que l’importateur savait ou aurait dû savoir que cette opération postérieure était impliquée dans une fraude commise par le destinataire.

Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 14 février 2019.

En l’espèce, une société autrichienne à responsabilité limitée a présenté au bureau de douane, en tant que représentante indirecte de deux sociétés établies en Bulgarie, des déclarations de mise en libre pratique de marchandises importés depuis la Suisse. Les marchandises ont été mises en libre pratique en exonération de la TVA à l’importation. Le bureau de douane a cependant demandé à la société autrichienne de s’acquitter de cette TVA, au motif que les conditions de l’exonération demandée n’étaient pas remplies.

Par suite, le tribunal fédéral des finances a considéré comme établi que le vendeur des marchandises en cause au principal avait transféré aux destinataires bulgares le droit de disposer de ces marchandises lorsqu’elles se trouvaient en Suisse, c’est-à-dire avant leur dédouanement en Autriche. Il ne serait pas établi que ces destinataires aient perdu ce droit en Bulgarie. Lesdits destinataires auraient déclaré les acquisitions intracommunautaires desdites marchandises, mais se seraient rendus responsables d’une fraude fiscale dans cet État membre en déclarant indûment avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée des marchandises en cause au bénéfice de la société autrichienne. Cette dernière forme un recours devant la juridiction de renvoi contre cette décision.

La juridiction de renvoi a considéré que les conditions permettant de bénéficier d’une telle exonération n’étaient pas remplies en se fondant sur la jurisprudence de la Cour selon laquelle le bénéfice de l’exonération de la TVA, doit être refusé à un assujetti lorsque celui-ci a commis une fraude fiscale ou lorsqu’il savait ou aurait dû savoir que l’opération qu’il a effectuée était impliquée dans une fraude commise par l’acquéreur et qu’il n’a pas pris toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour éviter cette fraude. La Cour aurait, à cet égard, assimilé le transfert intracommunautaire à la livraison intracommunautaire. De l’avis de la juridiction de renvoi, la jurisprudence de la Cour portait sur des situations dans lesquelles la fraude concernait l’opération faisant l’objet de la déduction, de l’exonération ou du remboursement de la TVA ou encore de l’opération effectuée en amont ou en aval de celle-ci. Toutefois, les circonstances de l’affaire au principal se distingueraient de celles ayant donné lieu à ces précédents.

De plus, le tribunal fédéral des finances a constaté que les deux entreprises bulgares, dont le transfert intracommunautaire est en cause, ont présenté des déclarations fiscales sur lesquelles elles ont mentionné l’acquisition intracommunautaire en Bulgarie. La fraude fiscale n’aurait eu lieu qu’à un stade ultérieur de l’opération, à savoir dans le cadre de la déclaration d’une nouvelle livraison intracommunautaire des marchandises en cause effectuée par ces entreprises ayant pour objet leur revente à la société autrichienne. Lesdites entreprises auraient indûment exonéré cette livraison intracommunautaire. Le tribunal fédéral des finances a ainsi fondé sa décision sur la prémisse que ladite livraison n’avait pas eu lieu. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que le tribunal a considéré qu’il n’avait toutefois pas été établi que, à la date du transfert intracommunautaire desdites marchandises vers la Bulgarie, les mêmes entreprises avaient déjà l’intention de commettre une fraude concernant une opération ultérieure portant sur ces marchandises. Cette jurisprudence vise non seulement l’assujetti ayant commis une fraude fiscale, mais également l’assujetti qui savait ou aurait dû savoir que l’opération qu’il a effectuée était impliquée dans une fraude fiscale commise par le fournisseur ou un autre opérateur intervenant en amont ou en aval dans la chaîne de livraisons. Elle s’interroge ainsi sur la pertinence de cette jurisprudence dans une situation telle que celle en cause au principal, dans la mesure où la fraude en cause n’a eu lieu qu’à un stade ultérieur de la chaîne de livraisons ayant suivi le transfert intracommunautaire en cause et l’acquisition intracommunautaire consécutive à ce transfert.

Par Marie-Claire Sgarra

Source : Actualités du droit