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De la clause de cession forcée prévue par un pacte d’actionnaires

Affaires - Sociétés et groupements
26/06/2019
Les modalités de la clause de cession forcée d’un pacte d’actionnaires obligeant l’actionnaire majoritaire à racheter les titres d’un actionnaire minoritaire doivent être respectées. Ainsi, l’actionnaire majoritaire ne saurait remettre en cause la cession s’il n’a pas contesté le prix de cession dans les délais fixés par le pacte.
Dans cette affaire, les actionnaires d’une société anonyme ont conclu un pacte qui stipulait, selon son article 8.1, qu'en cas de cessation du mandat social d'un « actionnaire minoritaire » pendant la durée du pacte, l'actionnaire minoritaire concerné s'engageait irrévocablement à vendre la totalité des valeurs mobilières qu'il détenait à cette date de départ à la société, qui, sous la même condition, s'engageait irrévocablement à les acquérir. Le pacte fixait deux hypothèses de modalités de fixation du prix des valeurs mobilières en cas de transfert, ainsi que des délais pour notifier les contestations du prix et, en cas de désaccord persistant entre les parties, pour saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il désigne un expert chargé de fixer le prix. Un associé minoritaire a quitté ses fonctions de président du directoire de la société le 29 avril 2013 et le 7 mai a demandé à la société de lui payer, en contrepartie de la cession de ses actions, la somme de 359 390 euros. La société conteste ce prix et sollicite la désignation d’un expert. L’actionnaire minoritaire argue que cette contestation est irrecevable car formulée hors du délai prévu par le pacte.

La cour d’appel, pour recevoir la contestation de la société relative au prix de cession des valeurs mobilières en cause retient qu'il s'évince de l'article 14-3 du pacte d'actionnaires que l'obligation de notifier toute contestation, dans les huit jours de la réalisation de la condition prévue à l'article 8 de cessation du mandat social d'un « actionnaire minoritaire » pendant la durée du pacte, ne pesait pas spécialement sur la société en sa qualité de cessionnaire, mais sur toute partie concernée par le transfert de titres et que, cette notification n'ayant pas été faite, les délais imposés par l'article 14-3 pour la désignation d'un expert n'ont pas pu courir.

La Cour de cassation casse cette décision car il résulte des termes clairs et précis de l'article 14-3 du pacte d'actionnaires pour résoudre les différends relatifs à la fixation du prix, que « toute contestation, quel qu'en soit le contexte, portant sur le prix par valeur mobilière (...) devra être notifiée à tous les actionnaires, au cessionnaire désigné comme tel dans un projet de transfert, et à la société, au plus tard dans les 8 jours (...) de la réalisation de la condition prévue à l'article 8 », c'est-à-dire de la cessation des fonctions de « l'actionnaire minoritaire », et que « les parties concernées, à défaut d'accord amiable dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la contestation, devront soumettre leur différend à un expert (...) désigné d'un commun accord, ou à défaut d'accord sur le choix de l'expert, à un cabinet d'expertise comptable (...) désigné par le président du tribunal de commerce de Lyon statuant en référé ». Ainsi, il incombait à la société, si elle entendait élever une contestation sur le prix des actions qu'elle était obligée d'acquérir, de notifier celle-ci dans le délai de huit jours à compter de la cessation de fonctions de l’actionnaire minoritaire. La société était donc censée contester le prix sans le même le connaître, de manière préventive, dès lors qu'elle savait qu'elle devait racheter les actions de l'actionnaire minoritaire. La clause est peu logique mais doit être respectée (C. civ., art. 1103 et 1193).

La cour d’appel retenait aussi que l’actionnaire minoritaire ayant fait connaître à la société le montant du prix de cession de ses titres seulement par lettre du 7 mai 2013, en application de l'article 8-1-1 du pacte, cependant que le délai de huit jours pour notifier les contestations avait expiré la veille, elle est mal fondée à lui reprocher d'avoir tardé à contester ce prix.

La Cour de cassation censure également cette décision car l’actionnaire minoritaire était seulement tenu par l'article 8-1-1 du pacte à la remise des titres dans un délai de quinze jours après la survenance de l'événement l'obligeant à la cession de ceux-ci, ce dont elle s'était acquittée, et qu'à défaut d'avoir élevé une contestation sur le prix dans les formes et délais prévus à l'article 14-3 du pacte auquel renvoyait son article 8-2-4, la société était redevable du prix de cession déterminé dans les conditions contractuelles.
Source : Actualités du droit