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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
02/07/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 24 juin 2019.
Information judiciaire – proportionnalité du maintien d’une mesure
« Le 26 novembre 2014, M. X, expert-comptable, a été mis en examen des chefs
susénoncés et placé sous contrôle judiciaire avec, notamment, l’interdiction d’exercer sa profession. Il a formé une demande de mainlevée de cette mesure, que le juge d’instruction a, par ordonnance en date du 20 décembre 2018, rejetée partiellement, en maintenant le cautionnement déjà versé et l’interdiction professionnelle.
Sur l’appel de cette décision, la chambre de l’instruction a, par arrêt en date du 28 février 2019, confirmé l’ordonnance du premier juge en ce qu’elle a maintenu l’interdiction faite à l’appelant d’exercer sa profession.
 
Vu l’article 593 du code de procédure pénale. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
En se déterminant ainsi, sans mieux s’expliquer sur la nécessité actuelle, au regard de l’état d’avancement de l’information judiciaire et du risque de réitération des faits, près de cinq ans après la mise en examen de l’appelant, de l’interdiction qui lui a été faite d’exercer sa profession et, ainsi, sur la proportionnalité du maintien de cette mesure au regard des atteintes qu’elle porte à la liberté individuelle et au droit du travail, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ».
Cass. Crim., 18 juin 2019, n°19-82.559, P+B+I *
 
Evaluation du préjudice – lien de causalité  
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de coups et blessures volontaires en réunion ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail supérieure à huit jours ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, après requalification, de coups et blessures volontaires en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité temporaire totale de travail excédant huit jours en considérant que la blessure au genou qui justifiait l'ITT n'était pas due aux violences ; que le prévenu et la partie civile ont relevé appel des dispositions civiles de cette décision ;
En effet, lorsqu’il a été définitivement statué sur l’action publique par le tribunal ayant procédé à une disqualification des faits, l’évaluation du préjudice reste en discussion devant la cour d’appel pour tous les chefs de dommage qui découlent des faits objet de la poursuite, les juges du second degré devant notamment apprécier eux-mêmes le lien de causalité fondant la responsabilité »
Cass. Crim., 25 juin 2019, n°18-84.825, P+B+I *
 
Constitution partie civile – préjudice – relation directe  
« Vu les articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale ;
Pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale
Le 3 octobre 2016, entre 2 heures 30 et 3 heures, Mme X a été victime d'un vol à main armée dans sa chambre de l’hôtel A situé dans un hôtel particulier à Paris ; que cinq hommes cagoulés et porteurs de blousons “Police” se sont présentés à la réception de l'établissement et ont menacé le réceptionniste, avec une arme de poing, lui demandant de les conduire dans la chambre de Mme X où deux d’entre eux ont, avant de ligoter celle-ci, dérobé des bijoux pour une valeur de 9 millions d’euros, selon une estimation d’assurances ; qu’une information judiciaire a été ouverte au cours de laquelle ont été identifiées dix personnes qui ont été mises en examen des chefs notamment de vol avec arme en bande organisée et enlèvement ou séquestration de plusieurs personnes ; que la société No Address France (société NAF), propriétaire de cet hôtel, s’est constituée partie civile en raison du préjudice direct et personnel qu’elle estimait avoir subi du fait, d’une part, de l'indemnisation potentielle due à Mme X et du remboursement de nuitées, d’autre part, des annulations de réservations et du préjudice d'image causés par cet événement ; que les juges d’instruction ont déclaré cette constitution de partie civile irrecevable par une ordonnance dont la société NAF a relevé appel ;
 
En prononçant ainsi, alors qu'à les supposer établis, les crimes poursuivis étaient de nature à causer à la société NAF un préjudice direct et personnel découlant de l’obligation, pour l’hôtelier, d’indemniser, en vertu des articles 1952 et 1953 du code civil, la personne qui loge chez lui et qui est victime d’une soustraction frauduleuse, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire »
Cass. Crim., 25 juin 2019, n°18-84.653, P+B+I *
 
Arrêt incident – renvoi de l’affaire – demande de mise en liberté
1) Sur l’arrêt de renvoi
Il résulte du procès-verbal des débats que la Cour, par arrêt incident, a ordonné le renvoi de l’affaire à une autre session, au motif de l’indisponibilité de l’un des assesseurs ;
Les arrêts incidents de la cour d’assises ne pouvant, selon l’article 316 du code de procédure pénale être attaqués par la voie du recours en cassation qu’en même temps que l’arrêt sur le fond, le pourvoi n’est pas recevable ;
2) Sur l’arrêt d’incompétence
Il résulte de l’arrêt attaqué, que M. X mis en examen du chef d'assassinat et placé en détention provisoire à compter du 11 septembre 2014, a été renvoyé devant la cour d'assises par ordonnance du juge d’instruction en date du 7 septembre 2016 et condamné le 2 juin 2017, à la peine de douze ans de réclusion criminelle ; que le ministère public a relevé, seul, appel de cette décision ; que M. X a comparu devant la cour d’assises statuant en appel à compter du 25 mars 2019 ; qu’à la suite de l’indisponibilité de l’un des assesseurs, la cour a, par arrêt incident du 27 mars, ordonné le renvoi de l‘affaire à une session ultérieure ; qu’elle a été saisie par l'avocat de l'accusé,
Pour se déclarer incompétente, la cour d’assises retient qu’elle perd toute compétence pour statuer sur la détention dès qu'elle a ordonné le renvoi de l'affaire à une session ultérieure, seule la chambre de l'instruction étant compétente ;
En statuant ainsi, et dès lors que la demande de mise en liberté a été formée postérieurement à l’arrêt ordonnant le renvoi à une session ultérieure, de sorte que l’accusé ne devait plus être jugé lors de la session en cours, la cour d’assises a fait l’exacte application de l’article 148-1, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
Cass. Crim., 25 juin 2019, n°19-82.584, P+B+I *
 
Double saisie de créances
« Il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure qu’à la suite d’un signalement de Tracfin, M. X, alors directeur d’une agence bancaire, a été mis en cause dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée des chefs susvisés (blanchiment, recel, exercice illégal de la profession de banquier et corruption passive) ; que, par ordonnance en date du 26 juillet 2016, le juge des libertés et de la détention a autorisé la saisie d’une créance de 114 868,69 euros figurant sur un contrat d’assurance sur la vie dont le mis en cause est titulaire ; que, le même jour, ce magistrat a rendu une seconde ordonnance autorisant la saisie d’une créance de 110 308,67 euros figurant sur un second contrat d’assurance sur la vie dont l’intéressé est titulaire;
 
Pour confirmer la saisie, l’arrêt relève notamment qu’il résulte du signalement de Tracfin, confirmé par les vérifications et auditions effectuées par les enquêteurs, que M. X a encaissé entre août 2008 et septembre 2010, sur quatre comptes personnels, des chèques de plusieurs sociétés exerçant leur activité dans le secteur du bâtiment, pour un montant total de 264 644,89 euros, en remboursement de prêts qu’il leur avait successivement consentis au moyen de fonds propres, en contrepartie d’une commission de 30 % ;
 
En prononçant par ces seuls motifs, qui permettent à la Cour de cassation de s’assurer que le montant cumulé des créances saisies à hauteur de 225 177,36 euros est inférieur à l’objet du délit d’exercice illégal de la profession de banquier reproché, la chambre de l’instruction a justifié sa décision »
Cass. Crim., 26 juin 2019, n°18-85.209, P+B+I *
  
Ordre de passage – audience – assistance d’un avocat
Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M.X, mineur au moment des faits comme étant né le 20 septembre 2001, a été mis en examen des chefs susvisés et a été placé en détention par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 mars 2019 dont il a été relevé appel ; que devant la chambre de l’instruction, il a été représenté par son conseil, commis d’office, tandis que le président du conseil départemental de la Manche, désigné tuteur du mineur par le juge des tutelles, était représenté par son propre avocat ;
 
Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l'article 199 du code de procédure pénale ;
Il se déduit de ces dispositions que devant la chambre de l’instruction, le mis en examen bénéficie du droit d’avoir l’assistance du défenseur de son choix, et que le mis en examen ou son avocat doivent avoir la parole en dernier ;
Il ressort des mentions de l’arrêt attaqué qu’à l’audience de la chambre de l’instruction, à laquelle M.X n’a pas demandé à comparaître personnellement, son conseil, a présenté des observations et l’avocat de son représentant légal a eu la parole le dernier ;
En prononçant ainsi, alors que l’avocat désigné pour représenter le mineur dans la procédure devait avoir la parole le dernier, la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ;
Cass. Crim., 26 juin 2019, n°19-82.779, P+B+I *
 
Renvoi QPC – télécommunication audiovisuelle – demande de mise en liberté
La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : “Les dispositions de l'article 706-71 alinéa 3 du code de procédure pénale en tant qu'elles permettent le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle lors des audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction, sans faculté d'opposition pour le détenu lorsque le contentieux porte sur une demande de mise en liberté, sont-elles conformes aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 34 de la Constitution ?” ;
 
La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
La question posée présente un caractère sérieux, en ce que le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 21 mars 2019 (no 2019-778 DC), censurant les dispositions de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui modifiaient l'article 706-71 du code de procédure pénale en supprimant l'obligation de recueillir l'accord de l'intéressé pour recourir à la visio-conférence dans les débats relatifs à la prolongation d'une mesure de détention provisoire, que, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d'une procédure de détention provisoire, et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portaient une atteinte excessive aux droits de la défense;
Que ce raisonnement, exprimé en termes généraux, est susceptible de s’appliquer à d’autres aspects du contentieux de la détention provisoire, et notamment à l’examen des demandes de mise en liberté dont est saisie directement la chambre de l’instruction »
Cass. Crim., 26 juin 2019, n°19-82.733, P+B+I *
 
Saisie d’un immeuble – principe de proportionnalité – caractère confiscable
« Vu l’article 131-21 du code pénal, ensemble l’article 706-150 du code de procédure pénale ;
Il résulte du premier de ces textes que la confiscation porte sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime ;
Que, selon le second, au cours de l’information judiciaire, le juge d’instruction peut ordonner la saisie des immeubles dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du code pénal
En l’état d’énonciations dont il se déduit que l’immeuble saisi constitue le produit supposé du délit d’abus de faiblesse poursuivi, alors que, d’une part, est inopérant le motif retenant la violation du principe de proportionnalité par une mesure de saisie pénale, en nature ou en valeur, lorsque la mesure porte sur l’objet ou le produit direct ou indirect supposé de l’infraction, d’autre part, l'article 706-150 du code de procédure pénale n'exige pas, pour ordonner une saisie, que soit caractérisé un risque de dissipation du bien objet de la mesure, enfin il appartenait seulement aux juges, sans pouvoir remettre en cause l'existence des indices graves et concordants de commission des délits poursuivis justifiant la mise en examen des intéressés, de contrôler que le juge d’instruction avait régulièrement ordonné la saisie de l’immeuble et de s’assurer de son caractère confiscable en application des conditions légales, en précisant le fondement de la mesure, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés »
Cass. Crim., 26 juin 2019, n°19-80.235, P+B+I *
 
Appel d’une ordonnance de règlement – renvoi devant une juridiction pour mineur
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme X a déposé plainte le 7 août 2017 en déclarant avoir subi à plusieurs reprises, entre 1999 et 2005, des abus sexuels de la part d’un de ses cousins, M. Y, alors que tous deux étaient mineurs ; qu’une information a été ouverte, à l’issue de laquelle M. Y a été renvoyé devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle du chef de viols sur mineure de 15 ans commis par mineur de 16 ans; que le mis en examen a interjeté appel de cette ordonnance ;
 
Pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par M.Y, l'arrêt retient que l’article 186 du code de procédure pénale, applicable en vertu de l'article 24 de l'ordonnance du 2 février 1945, aux ordonnances du juge d'instruction des mineurs, ne prévoit pas de droit d'appel contre les ordonnances de règlement rendues par ce magistrat, à l'exception de celles portant mise en accusation devant la cour d'assises des mineurs, que l'appel des ordonnances prévues par le premier alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale est admis dans le cas où le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit et ordonne le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants, lorsque la personne mise en examen ou la partie civile demandent la mise en accusation et le renvoi devant la cour d'assises ; que les juges ajoutent que le magistrat instructeur ayant retenu la qualification criminelle, l'appel interjeté par le mineur mis en examen à l’encontre de l’ordonnance du magistrat instructeur ayant estimé que les faits sont de nature criminelle et le renvoyant devant le tribunal pour enfants pour crime, est irrecevable ;
En se déterminant ainsi, cette juridiction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu’elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L411-3 du code de l’organisation judiciaire ; que, par l’effet de la cassation, l’appel étant recevable, la chambre de l’instruction se trouve saisie de l’appel interjeté »
Cass. Crim., 26 juin 2019, n°19-82.745, P+B+I *
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 août 2019.
Source : Actualités du droit