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Garde à vue : portée d’une notification tardive d’un changement de qualification d’une infraction

Pénal - Procédure pénale
22/10/2019
La Cour de cassation a dû se prononcer sur deux requêtes en nullité. L’une concerne le défaut de notification de la modification de la qualification d’une infraction à la personne gardée à vue, et l’autre, la notification tardive des droits.
En janvier 2018, un véhicule, avec trois personnes à l’intérieur, circule dangereusement à Paris 16e. Quand les policiers lui demandent de s’arrêter, le conducteur refuse d’obtempérer. Ils seront finalement arrêtés dans le 19e arrondissement à 3 heures 05. L’un des occupants est en possession d’une réplique d’arme de poing et d’un couteau.
 
Conduits devant l’officier de police judiciaire au commissariat du 16à 3 heures 35, deux des occupants sont placés en garde à vue pour refus d’obtempérer, et la dernière passagère pour complicité de cette infraction.
 
Quelques heures plus tard, le ministère public précise qu’il ajoute la qualification d’association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. Puis après avoir entendu la passagère, les deux hommes se voient notifier la qualification supplémentaire de proxénétisme aggravé. En effet, au cours de sa première audition, la femme a désigné les deux autres occupants du véhicule comme ses proxénètes. Lors de sa deuxième audition, elle désigne un autre individu, puis au cours de la troisième, explique qu’elle devait attirer les clients pour permettre à ses comparses de les voler.
 
La concernant, la qualification a été modifiée, passant de complicité de refus d’obtempérer à association de malfaiteurs. Cela lui a été porté à sa connaissance lors de la notification de sa garde à vue, le lendemain de son placement, à 2h.
 
Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre des trois occupants du véhicule, notamment pour tentative d’enlèvement et séquestration, infraction à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, infractions pour lesquelles la passagère a été mise en examen. Elle a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité.
 
Le premier point contesté par la demanderesse est la notification tardive de ses droits. La Cour de cassation, qui valide l’arrêt de la chambre de l’instruction et apprécie in concreto, confirme que le délai de vingt minutes écoulé entre la présentation de l’intéressée à l’officier de police judiciaire (3 heures 35) et son placement en garde à vue avec notification des droits afférents à cette mesure (3 heures 55), « ne peut donner lieu à son annulation, compte tenu des circonstances de l’interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu et des délais de transport, le procureur de la République ayant été par ailleurs préalablement avisé de cette mesure à 3 heures 49 ».
 
Le deuxième moyen de nullité soulevé par la requérante concerne la tardiveté de la notification de la qualification retenue. Pour elle, l’officier de police judiciaire ne lui a pas notifié la modification de qualification ordonnée par le procureur de la République. La chambre de l’instruction énonce qu’entre sa deuxième et troisième audition, le procureur de la République a donné à l’officier de police judiciaire l’instruction de notifier aux deux autres personnes la qualification de proxénétisme aggravé. La concernant, la qualification d’association de malfaiteurs lui a été notifiée lors de la prolongation de sa garde à vue, soit, après la deuxième audition.
 
La Haute juridiction précise que « c’est à tort que les juges ont considéré que la notification de la qualification pouvait être reportée à l’issue de cette audition, dès lors que le procureur de la République a ordonné, en application de l’article 63 du Code de procédure pénale, la modification de qualification des faits, le 5 janvier 2018, à 11 heures 15 ».
 
Pour autant, la tardiveté de la notification de la modification de la qualification retenue à la personne gardée à vue, ordonnée par la procureur de la République, ne peut entraîner une nullité, « que s’il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts, au sens de l’article 802 du Code de procédure pénale ». Et la Cour de cassation estime que cette condition n’est pas, en l’espèce remplie, dès lors qu’au regard des procès-verbaux, l’intéressée n’a tenu aucun propos par lequel elle se serait incriminée sur les faits d’association de malfaiteurs.
Source : Actualités du droit