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Grève des avocats et détention provisoire : la prolongation est-elle légale ?

Pénal - Procédure pénale
07/05/2020
Ne pouvant être jugé dans les 4 mois de son appel, délai légal, en raison de la grève des avocats à laquelle son avocat s’est associé, un prévenu voit sa détention provisoire prolongée par ordonnance. La Cour de cassation valide cette nouvelle durée dans un arrêt du 21 avril 2020.
Par jugement contradictoire à signifier, un homme, ni comparant ni représenté, est déclaré coupable et condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans ainsi qu’à une interdiction définitive du territoire français. Un mandat d’arrêt est décerné à son encontre et est mis à exécution. Intéressé et ministère public interjettent appel.
 
En raison de la grève des avocats à laquelle s’est associé le conseil du prévenu, l’audience prévue le 14 janvier 2020 est renvoyée au 24 mars suivant pour examen au fond et au 16 janvier 2020 pour statuer sur la prolongation de la détention pendant une nouvelle durée de quatre mois, en application de l’article 509-1 du Code de procédure pénale.
 
L’article 509-1 du Code de procédure pénale prévoit que « si l'audience sur le fond ne peut se tenir avant l'expiration de ce délai, le président de la chambre peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de quatre mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande ». 
 
La détention provisoire est alors prolongée par ordonnance. Il est précisé que l’affaire « en état d’être jugée le 14 janvier 2020, soit dans les quatre mois de son appel, n’a pu l’être du fait de la grève du barreau à laquelle l’avocat du prévenu s’était associé ».
 
Le président de la chambre des appels correctionnels statut après renvoi demandé par le prévenu, qui exigeait d’être jugé en présence de son avocat, et « conclut que ces raisons de fait faisant obstacle au jugement de l’affaire dans le délai légal, il y a lieu, à titre exceptionnel, d’ordonner, pour une durée n’excédant pas quatre mois, la prolongation de la détention de l’intéressé dont les domiciliations évolutives ne permettent pas de garantir la représentation ».
 
Le détenu forme un pourvoi en cassation. Pour lui l’ordonnance ne répond pas aux exceptions de nullité soulevées ni à sa demande relative au placement sou contrôle judiciaire ou surveillance électronique.
 
Pourvoi qui sera rejeté. La Cour de cassation rappelle :
- que l’ordonnance rendue en application de l’article précité a exposé, « sans insuffisance ni contradiction, les raisons de fait et de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire dans le délai légal » ;
- dans ce cadre, la prolongation de la détention provisoire d’un prévenu à titre exceptionnel n’a pas à être motivée par le juge au regard des conditions prévues aux articles 137 et 144 du Code de procédure pénale, à savoir le placement en détention uniquement si les obligations de contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence électronique sont impossibles et les conditions de placement en détention provisoire ;
- et « l’exception de nullité de la citation devant le tribunal correctionnel ne peut, en cause d’appel, être soulevée que devant la juridiction statuant au fond, et non devant le président de la chambre des appels correctionnels statuant dans les limites de l’article 509-1 précité ».
 
 
Source : Actualités du droit