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Enquête préliminaire : pouvoir du procureur de la République de faire procéder à une vidéosurveillance sur la voie publique

Pénal - Procédure pénale
16/12/2020
La Cour de cassation affirme dans un arrêt du 8 décembre 2020 que le procureur de la République peut faire procéder, sous son contrôle effectif et selon les modalités qu’il autorise s’agissant de sa durée et de son périmètre, à une vidéosurveillance sur la voie publique pour rechercher la preuve des infractions à la loi pénale. L’ingérence dans la vie privée présente par sa nature même un caractère limité et est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi. 
Une enquête préliminaire est ouverte suite au renseignement selon lequel une habitation était susceptible d’abriter une plantation d’herbe de cannabis d’environ mille plants devant être récoltée à court terme. Lors des investigations, cinq kilogrammes d’herbe de cannabis, séchée et visiblement abandonnée, y ont été découverts.
 
Des surveillances physiques, appuyées par des moyens vidéos sur la voie publique ont été mises en place. Différentes personnes ont été interpellées. Une d’elles, qui a été filmée par le moyen de vidéosurveillance utilisé, a été mise en examen. Son conseil dépose une requête devant la chambre de l’instruction pour voir constater que les vidéosurveillances réalisées sur la voie publique ont été mises en œuvre sans l’accord d’un magistrat du siège indépendant et donc voir ordonner la nullité des procès-verbaux relatifs à ces surveillances ainsi que la cancellation de différents actes subséquents.
 
La cour d’appel écarte le moyen d’annulation. Elle retient que l’installation de vidéosurveillance enregistrant l’image d’une ou plusieurs personnes présentes dans un lieu public est étrangère aux dispositions de l’article 706-96 du Code de procédure pénale. « Le législateur ayant estimé que la présence d’un individu, dans un tel lieu, étant par nature susceptible d’être vue par quiconque, il n’y avait pas lieu de prévoir un dispositif légal spécifique pour en capter et fixer l’image ».
 
Les juges du second degré retiennent alors que la mise en œuvre de ce dispositif n’implique pas d’acte de contrainte, ni d’atteinte à l’intégrité des personnes dont l’image est ainsi recueillie, ni de saisie, d’interception ou d’enregistrement des paroles de ces personnes. D’autant plus que les OPJ, agissant en enquête préliminaire, peuvent mettre en place et exploiter un dispositif de vidéosurveillance, sans le consentement des intéressés, capter, fixer et enregistrer les images de personnes se trouvant dans un lieu public, afin d’identifier les auteurs ou complices d’infractions, « au surplus avec l’autorisation préalable du procureur de la République et sous le contrôle de celui-ci », en application de l’article 14.
 
Un pourvoi est formé par l’intéressé. La Haute juridiction, dans un arrêt du 8 décembre 2020, le rejette. Elle rappelle qu’en vertu des articles 39-3 et 41 du Code de procédure pénale, le procureur de la République peut faire procéder, « sous son contrôle effectif et selon les modalités qu’il autorise s’agissant de sa durée et de son périmètre, à une vidéosurveillance sur la voie publique, aux fins de rechercher la preuve des infractions à la loi pénale ». Elle note que l’ingérence dans la vie privée, présentant un caractère limité et étant proportionnée au regard de l’objectif poursuivi « n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
 
Ainsi, même si c’est à tort que l’arrêt écarte toute atteinte à la vie privée et considère que les enquêteurs pouvaient y procéder sans autorisation du procureur de la République, il n’encourt pas la censure « dès lors qu’il résulte de ses propres constatations que le procureur de la République a spécialement autorisé les enquêteurs à installer le dispositif contesté selon des modalités précises et qu’il en a effectivement assuré le contrôle ».
 
Rappelons que dans un arrêt du 11 décembre 2018, la Cour de cassation avait précisé que si le juge d’instruction peut faire procéder à une vidéo-surveillance sur la voie publique, il doit résulter des pièces de l’information que cette mesure a été mise en place sous le contrôle effectif de ce magistrat et selon les modalités qu’il a autorisées (Cass. crim., 11 déc. 2018, 18-82.365, P+B, v. Mesure de vidéo-surveillance sur la voie publique : effectivité du contrôle du juge d’instruction, Actualités du droit, 2 janv. 2019).
 
 
 
Source : Actualités du droit